Mauritanie : Fatimetou, la grand-mère engagée pour la vaccination contre la COVID-19
Nouakchott – Assise sur une natte entourée d’une quinzaine de femmes, dont la plupart avec des enfants de moins de 5 ans, Fatimetou Mohamed Salek Mbarek tient une séance de sensibilisation, dans la Gazra, quartier défavorisé et occupé illégalement, du Carrefour Adrar dans la banlieue de Nouakchott. Elle veut convaincre ses « sœurs et filles » de se faire vacciner contre la COVID-19. Maman Fati, comme elle se fait appeler, écoute la petite assemblée exprimer ses craintes.
Professeure de lycée, elle dédie son temps libre à la mobilisation communautaire, au point d’en avoir fait une seconde profession depuis ses années estudiantines.
« En 1997, j'ai fondé l'association Assistance aux femmes et enfants en Difficulté (ASFED). Au début, nous avons mis l'accès sur l'alphabétisation et la lutte contre les déperditions scolaires. Ensuite nous nous sommes orientés vers la santé de la reproduction », explique-t-elle avant d’ajouter « à notre actif des centaines de campagnes de sensibilisation sur la maternité sans risque aux côtés de l’OMS et de UNFPA. »
Avec l’avènement de la pandémie de COVID-19, Ma Fatimetou s’est donnée pour cible les communautés défavorisées dans les périphéries de la capitale mauritanienne. Elle était en première ligne de la sensibilisation. « Nous participons aux campagnes de sensibilisation sur les gestes barrière au niveau des marchés et des lieux publics », indique la mère de six enfants.
Le 26 mars 2021, la Mauritanie lançait sa campagne de vaccination contre la pandémie. Fatimetou s’est repositionnée. Pour être une interlocutrice crédible, elle s’est d’abord fait vacciner. Le 21 mai 2021, elle prenait sa première dose de vaccin contre la COVID-19. Sur le terrain, la tâche n’a pas été facile surtout avec la désinformation entretenue autour des vaccins.
« Lors d’une de nos sensibilisations pour l’adoption de la vaccination, j’ai rencontré un vieil homme qui m’a dit que du fait qu’il est diabétique et se fait des injections d’insuline, il ne peut pas se faire vacciner contre la COVID-19, et surtout pas avec un vaccin à deux doses », se souvient-elle. Le vieil homme était convaincu qu’il passerait de vie à trépas croyant dur comme fer les informations erronées qui circulent dans la communauté. Pendant des jours, Ma Fatimetou lui a expliqué les bénéfices qu’il aura à se faire vacciner. « Finalement il s’est fait vacciner en juin ou juillet 2021. Son adoption du vaccin contre la COVID-19 a été un déclic dans son entourage et cela a ouvert la voie à d’autres personnes qui se sont fait vacciner aussi. »
Ce sont ces « petites victoires » qui renforcent son engagement, précise-t-elle.
Á la date du 25 septembre 2022, 49 % de la population cible a terminé la première série de vaccination et 69 % a reçu une dose. D’habitude la maman accompagnée des femmes de son ONG cible des quartiers à la périphérie de Nouakchott et organise des séries de sensibilisation et va même au-delà. « Durant la première campagne de vaccination, nous avons pris en charge les déplacements de personnes de certains quartiers de Nouakchott (Doubei par ex) vers les centres de vaccination », indique la sexagénaire.
En Mauritanie, deux facteurs essentiels minent le changement de comportement et l’adoption des bonnes pratiques, estime Mme Salek Mbarek. Elle cite le tabou relatif à la sexualité et l’attachement à la tradition des croyances, surtout au niveau des personnes âgées.
Aujourd’hui, se trouvant dans la tranche des personnes du troisième âge, Maman Fati se sent plus écoutée. « Je n’entends plus les commentaires du genre ‘‘tu es trop jeune pour comprendre’’. Et je pense que les personnes âgées sont les mieux placées pour jouer ce rôle d’agent de mobilisation car elles jouissent d’une certaine notoriété et sont plus respectées ».
« Tant que ma santé me le permettrait, je serai au service de ma communauté », conclut-elle.